La création d'une société est un processus complexe qui nécessite de respecter plusieurs étapes essentielles pour assurer sa validité juridique et sa pérennité. L'une d’elles est la période de formation de la société, pendant laquelle diverses formalités et actes sont réalisés avant que la société ne puisse entrer officiellement en activité. Ces actes, bien qu'ils soient préparatoires et parfois provisoires, ont une importance capitale pour éviter des litiges futurs et garantir que la société dispose de bases solides. Dans cet article, Cécile Ewald, juriste en droit des affaires et des contrats et Olivier Pirrot, avocat en droit des sociétés, décryptent les différents actes clés qui se déroulent pendant la période de formation d’une société. |
Comment sont repris les actes par la société ?
Il faut tenir compte des conditions de la reprise
Nature de l’acte
La reprise d’un acte est possible si la nature de celui-ci est contractuelle et si les actes sont accomplis dans l’intérêt de la Société. La faculté de reprise ne concerne donc pas les fautes extracontractuelles commises pour le compte de la société en formation (par exemple : agissement de concurrence déloyale). Ces fautes restent à la charge de leur auteur.
Il faut agir « pour le compte » de la société en formation
Seuls peuvent être repris les actes passés « pour le compte » de la société en formation.
La mention à indiquer impérativement dans l’acte est : « pour le compte de la société en formation ».
En l’absence de cette mention, l’engagement ne peut pas être repris par la société. Il est frappé de nullité absolue (Cass. Com.21 février 2012 n° 10-27.630, Sté Dolce Vita c/ Sté One). L’acte reste à la charge de celui qui l’a passé.
En outre, il est nécessaire de compléter cette mention avec les renseignements permettant d’identifier ladite société en formation (dénomination sociale ou encore l’adresse de son futur siège social…).
Trois procédures possibles de la reprise…
1 - Lors de la signature des statuts
Lorsque des actes sont passés avant la signature des statuts, l’immatriculation de la société emporte reprise automatique de ces actes à condition qu’un état indiquant l’engagement qui résulte pour la société pour chacun d’eux soit présenté aux associés avant la signature des statuts et soit annexé à ceux-ci (art. R 210-5, al 1 et 2 et R 210-6 ; al 1 et 2).
2 - Par un mandat
Après la signature des statuts et avant l’immatriculation de la Société, les associés des sociétés en nom collectif, des sociétés en commandite simple et des SARL peuvent, dans les statuts ou par acte séparé, donner mandat à l’un ou plusieurs d’entre eux, ou au gérant non associé, de prendre des engagements pour le compte de la société.
Sous réserve qu’ils soient déterminés et que les modalités en soient précisées par le mandat, l’immatriculation de la société emportera reprise de ces engagements par la société (Décret 78-704 art.6, al.3 pour les sociétés en nom collectif ou en commandite simple ; art. R 210-5, al. 3 pour les SARL).
Pour les sociétés par actions ne faisant pas publiquement appel à l’épargne, le mandat peut être donné à un actionnaire (article R 210-6, al.3).
Attention : Le mandat n’engage pas la société pour les actes passés avant la signature des statuts.
Afin de pouvoir appliquer la procédure de reprise, les engagements doivent être déterminés et leurs modalités précisées dans le mandat, excluant de fait tout mandat général et indéterminé (comme par exemple habiliter un associé à « passer les actes et engagements entrant dans l’objet statutaire et conformes à l’intérêt social » (Cass. com., 24 mars 1998, n° 96-11.366)).
En l’absence de mandat spécial, il convient d’attendre l’immatriculation de la société pour faire approuver par les associés les engagements pris ; faute d’approbation, tous les associés ayant donné mandat seront responsables solidairement avec leur mandataire des engagements pris par ce dernier au nom de la société.
Pour ne pas être remis en cause, et être libéré à l’égard des tiers le mandataire doit respecter scrupuleusement les termes de son mandat. A défaut, la société n’est pas tenue des engagements pris pour son compte et le mandataire reste responsable de ses fautes d’exécution à l’égard de ses mandants. (C.civ. art. 1991 s.).
3 - Après l’immatriculation
Si les associés n’ont pas adopté une des solutions développées ci-dessus, ils peuvent toujours reprendre les actes passés pour le compte de la société après l’immatriculation de celle-ci.
La décision doit être prise, sauf clause contraire des statuts, à la majorité des associés.
En effet, les statuts peuvent prévoir que cette décision soit prise à une majorité qualifiée ou même l’unanimité. Par contre, les statuts ne peuvent pas donner aux dirigeants sociaux le pouvoir de prendre seuls cette décision. La ratification doit être explicite : il ne saurait, selon différents arrêts de la Cour de Cassation, s’agir d’une reprise implicite. Ainsi selon la même Cour, il ne saurait s’agir ni de l’approbation des comptes du premier exercice social après l’immatriculation de la société, ni de l’exécution de l’engagement par la société.
La preuve de la reprise des actes passés pour le compte de la société en formation incombe à celui qui l’invoque (Cass.com. 2-7-1996 n° 1259 : RJDA 10/96 n° 1197).
Conséquences de la reprise d’actes conclus pendant la formation de la société
Les effets de la reprise
Lorsque la société a régulièrement repris les engagements souscrits pour son compte, les fondateurs ayant passé ces actes sont libérés à l’égard du cocontractant, sauf s’ils se sont engagés personnellement à garantir l’exécution de ces actes. (CA Paris 5-4-1991, inédit). La société se trouve donc engagée rétroactivement, à la date de signature de la convention. Les actes sont réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société, dès lors qu’ils ont été effectivement conclus avant l’immatriculation de celle-ci. L’acte de reprise des engagements n’a pas à être publié pour être opposable aux tiers. En effet, l’acte de reprise est déclaratif et non constitutif de droits.
Les garanties
La reprise régulière par la société de l’engagement souscrit par l’un de ses fondateurs entraîne corrélativement la validation des garanties qui ont été données pour l’exécution de cet engagement.
Les limites à la reprise
Alors même que les associés ont régulièrement décidé de la reprise des actes passés par le fondateur, celui-ci reste personnellement responsable du paiement des chèques émis par lui pour le compte de la société en formation (CA Paris 24-3-1988 : D. 1988 p. 556 note Martin).
En effet « le tireur » d’un chèque est personnellement garant du paiement de celui-ci à l’égard des porteurs successifs, même lorsque le chèque a été émis pour le compte d’autrui (C. mon.fin. art. L 131-4, al.2).
Le défaut de reprise des actes
Lorsque les actes accomplis pour la société en formation n’ont pas été repris par la société, ces actes restent à la charge des personnes qui les ont conclus personnellement ou qui ont donné mandat de les passer, comme lorsqu’ils ont été repris irrégulièrement.
Pour éviter de tels désagréments, ces personnes peuvent dans l’acte qu’elles ont passé avec leur cocontractant, convenir avec lui qu’elles seront libérées de toute obligation à son égard si la société ne reprend pas les engagements souscrits pour son compte.
Le cocontractant perd alors la possibilité de demander l’exécution du contrat à l’associé avec qui il a traité, mais c’est à lui qu’il appartient d’apprécier s’il doit ou non prendre ce risque.
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La période de formation de la Société est exaltante. Au-delà du projet économique et financier, il faut également être attentif aux aspects juridiques et notamment aux engagements pris pendant cette période avant qu’elle ne soit dotée de la personnalité morale (au moment de son immatriculation).
Ce qu’il faut retenir
Si des actes ont été conclus pour le compte de la société en formation avant son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, ils sont réputés avoir été conclus par les signataires et non par la société elle-même, sauf à ce que les actes conclus soient effectivement repris par la société, soit lors de la signature des statuts au moyen d'un état annexé aux statuts, soit par une décision explicite des associés de la société après son immatriculation (décision prise à la majorité simple sauf clause contraire des statuts).
Le conseil de TGS France
La période de formation d'une société, bien que souvent perçue comme une étape préparatoire, comporte des enjeux juridiques significatifs. Chaque acte conclu doit être soigneusement réfléchi et rédigé, car il peut avoir des conséquences sur la validité de la société et la responsabilité des fondateurs. Une bonne gestion de cette phase est essentielle pour éviter des litiges et permettre à la société de démarrer son activité dans les meilleures conditions. Pour vous accompagner dans cette démarche, l’assistance d’un avocat en droit des sociétés est fortement conseillée.