Le marketing d’influence est aujourd’hui une stratégie largement utilisée par les annonceurs. Apportant de nombreux avantages, cette stratégie n’est pas pour autant exempte d’un cadre juridique. Emmanuelle Jardin-Lillo, avocate en droit de la publicité et du marketing vous explique toutes les spécificités de la réglementation du marketing d’influence. |
Marketing d’influence : définition et statut
Stratégie de communication de plus en plus utilisée, le marketing d'influence permet à une marque de diffuser en ligne et/ou sur les réseaux sociaux des informations par l'intermédiaire de personnes influentes. L'objectif recherché est d'améliorer l'image ou la notoriété de la marque par des communications ciblées auprès d'un public qualifié.
Par son audience sur les réseaux sociaux, l’influenceur, en exprimant un point de vue ou en donnant des conseils, a la faculté d’influencer favorablement sa communauté à l’égard d’une marque ou d’une offre commerciale en échange, ou non, d’une rémunération de la part de la marque.
Il n’existe pas de statut juridique propre à l'influenceur. Son statut dépend le plus souvent de la nature de son activité et de la relation contractuelle avec les marques.
En fonction de son implication et du contrat conclu avec la marque, l’influenceur pourra dans certains cas se prévaloir du statut protecteur de salarié. Dans d’autres situations, s'il exerce son activité de manière habituelle et, surtout, reçoit une contrepartie pécuniaire ou en nature, il sera même susceptible de recevoir la qualification de professionnel.
Une collaboration entre l’influenceur et la marque
L’influenceur peut agir dans un cadre purement éditorial ou bien en collaboration avec une marque pour la publication de contenus (placement de produits, production de contenus, diffusion d’un contenu publicitaire, etc.).
En cas de collaboration avec une marque, l’ARPP énonce dans sa Recommandation « Communication publicitaire numérique » (version 5 entrée en vigueur le 1er janvier 2022) que « l’existence d’une collaboration commerciale entre un influenceur et un annonceur pour la publication de contenus doit dans tous les cas être portée par l’influenceur à la connaissance du public ».
Cette identification peut se faire par tous moyens (dans le discours, dans le texte, au moyen d’une mention…). Il est généralement admis de prévoir l’insertion de la mention, telle que « En partenariat avec… », « En collaboration avec… » ou encore « Sponsorisé par… », sur les communications.
Des fonctionnalités intégrées dans les réseaux sociaux permettent aussi d’identifier directement et facilement ces partenariats. Sur Instagram par exemple, la mention « Partenariat rémunéré avec… » apparaît généralement sous le pseudo de l’influenceur.
En revanche, l’insertion de la mention « #ad » (abréviation de l’anglais « advertisement ») dans un post est considérée par l’ARPP comme n’étant pas suffisamment explicite pour permettre d’identifier un partenariat avec une marque, de même que les remerciements ou les formulations vagues de type « On m’a proposé de tester… » ou « J’ai été contacté pour… ».
En l'absence de mention, la communication de l’influenceur sera considérée comme une pratique commerciale trompeuse.
Le défaut d’indication du caractère commercial de la publication diffusée par un influenceur constitue, en effet, le délit de pratiques commerciales trompeuses à l’encontre des consommateurs qui peuvent croire à tort que la promotion d’une marque résulte d’une expérience personnelle positive désintéressée.
L’influenceuse Nabilla en a fait les frais en juillet 2021. Elle a dû s’acquitter auprès de la DGCCRF d’une amende de 20 000 € pour pratiques commerciales trompeuses pour la promotion sur le réseau social Snapchat d’un site de formation au trading en ligne.
En octobre 2021, c’est l'UFC-Que Choisir qui a déposé plainte contre McDonald's France pour pratiques commerciales trompeuses devant le tribunal judiciaire de Paris. L'association de consommateurs reproche au géant du fast-food d’avoir eu recours à des partenariats avec des enfants d’influenceurs tout ayant dissimulé le caractère commercial des vidéos aux consommateurs.
Caractère publicitaire de la communication
Certaines collaborations entre l’influenceur et la marque peuvent être qualifiées de publicitaires. L’ARPP considère que le caractère publicitaire est établi lorsque les conditions cumulatives suivantes sont réunies :
I. la prise de parole de l’influenceur fait l’objet d’une rémunération ou de toute autre contrepartie, telle que par exemple la remise de produits ou services ;
II. l’annonceur exerce une validation du contenu avant sa publication ;
III. le contenu de la prise de parole de l’influenceur vise la promotion du produit ou du service (discours promotionnel, présentation à visée promotionnelle).
Dans ce cas, le contenu du message publié par l’influenceur est considéré comme une publicité. Il doit alors répondre à la réglementation applicable en matière de publicité, ainsi que les règles éthiques de l’ARPP.
Communication responsable
D’une manière générale, toutes les communications faites par les influenceurs doivent respecter les principes d’une communication responsable : la loyauté envers le public, la véracité dans les contenus, la transparence dans la prise de parole, ou encore la protection des jeunes publics.
En septembre 2021, l’ARPP a ainsi lancé un certificat à destination des créateurs de contenus : le Certificat de l’Influence Responsable.
Ce certificat vise à promouvoir un marketing d’influence éthique et responsable, respectueux des publics. Il est réservé aux influenceurs collaborant avec des annonceurs en vue de publier des communications commerciales ou institutionnelles.
Le recours à des influenceurs détenteurs de ce certificat peut aujourd’hui être une sécurité supplémentaire pour les annonceurs.
Marketing d’influence : le cas particulier des enfants influenceurs
La France est le premier pays au monde à avoir adopté une législation pour combler le vide juridique concernant les influenceurs enfants. La loi n°2020-1266 du 19 octobre 2020, entrée en vigueur en avril 2021, réglemente l'exploitation commerciale de l'image des enfants de moins de 16 ans sur les plateformes de vidéo en ligne (par exemple, YouTube, TikTok, Instagram).
Les enfants influenceurs dont l'activité est considérée comme un travail sont considérés comme des professionnels et ils bénéficient à ce titre de la protection du Code du travail ; tout comme les enfants mannequins, artistes-interprètes et publicitaires. Avant de filmer leurs enfants ou de diffuser des vidéos de leurs enfants, les parents doivent demander une autorisation individuelle ou un agrément à l'administration.
Pour les zones grises où les activités des enfants influenceurs ne s'inscrivent pas dans une relation de travail ni complètement dans une relation de loisir, une protection est également prévue. Une déclaration d'activité doit être faite par les représentants légaux lorsque certains seuils relatifs à la durée ou au volume des contenus diffusés sur une période de temps donnée, ou aux revenus directs ou indirects tirés de cette diffusion, sont atteints. Une obligation financière est également imposée aux parents, de placer une partie des revenus à la Caisse des dépôts et des consignations jusqu’à la majorité des enfants.
À ce jour, les décrets fixant les seuils ne semblent pas avoir encore été publiés, et le contrôle de l’administration ne peut donc pas s’opérer.
La nouvelle loi incite également les plateformes de partage de vidéos à adopter, sous le contrôle du CSA, des chartes visant à renforcer l’information des utilisateurs sur les dispositions légales et réglementaires applicables en matière de diffusion de l’image d’un enfant de moins de 16 ans. Par ces chartes, les plateformes s’engagent aussi à garantir la protection de la jeunesse, y compris la protection des données personnelles des mineurs et leur effacement pour éviter tout démarchage et profilage commercial de ces derniers.
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