La communication des bulletins de paie dans le cas d'inégalités de traitement
Dans un contexte général de lutte contre les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, le gouvernement a annoncé le 8 mars 2023, lors de la journée des droits des femmes, la mise en place d’un plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
Ce même jour, la Cour de cassation considérait que l’atteinte à la vie personnelle de salariés était justifiée par la défense de l’intérêt légitime d’une salariée à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.
Dans les faits, une salariée, successivement employée par plusieurs sociétés d’un même groupe, avant d’être licenciée, s’estimait victime d’inégalité salariale en raison de son sexe. Elle soupçonnait son ancien employeur de lui fournir une rémunération inférieure à celles de ses collègues masculins, travaillant au même poste qu’elle, sans justification valable.
Pour être en mesure de prouver la discrimination, la salariée devait comparer les rémunérations perçues à celles de collègues masculins, ayant occupé les mêmes postes, ou occupant des postes équivalents. Or, les bulletins de salaire étaient détenus par l’employeur.
La salariée a donc saisi, en référé, la juridiction prud’homale pour solliciter la communication des éléments de comparaison détenus par ses employeurs successifs. Le Conseil de prud’hommes a accueilli sa demande, mais les employeurs ont interjeté appel, en invoquant le droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles des salariés dont les bulletins de salaire étaient réclamés.
Le juge peut-il ordonner la communication des bulletins de paie ?
La Cour d’appel ordonne la communication des bulletins, sous astreinte, avec occultation des données personnelles, à l’exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée et de la rémunération brute totale cumulée par année civile. Contestant toujours la décision rendue au bénéfice de la salariée, les employeurs se sont pourvus en cassation.
La Cour de cassation confirme à nouveau la solution. Elle rappelle tout d’abord que le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas absolu, de sorte qu’il doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité.
Dès lors, la Haute juridiction opère un contrôle de proportionnalité mettant en balance l’atteinte à la vie personnelle des salariés dont les bulletins étaient réclamés, et le droit à la preuve d’un salarié s’estimant victime d’une inégalité de traitement.
Il en ressort que la communication des bulletins de salaire était indispensable pour l’exercice du droit à la preuve, et proportionnée au but poursuivi, en l’espèce la défense de l’intérêt légitime de la salariée à l’égalité de traitement entre femmes et hommes en matière d’emploi et de travail. Enfin, les conseillers relèvent que la communication des bulletins de salaire ordonnée par les juges du fond est limitée aux éléments indispensables pour l’exercice du droit à la preuve.
Référence de l’arrêt : Cass. soc du 8 mars 2023, n° 21-12.492.