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Franchise et réseaux : le principe de non-réciprocité de l’intuitu personae préservé

Le 13.06.2024 0 commentaires

David Rouzier, juriste spécialisé dans le domaine de la franchise et des réseaux de distribution, analyse l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 8 février 2024, confirmant la nullité de la clause d’intuitu personae dans l'affaire Pizza Sprint / Domino's Pizza, et suscitant des inquiétudes chez les franchiseurs quant à la rédaction de leurs contrats de franchise.

L’arrêt de la Cour de Cassation rendu le 8 février 2024 sur l’affaire Pizza Sprint / Domino's Pizza était attendu, plus particulièrement sur la validité de la clause d’intuitu personae.  

Pour rappel, la DGCCRF avait initiée une enquête en 2013 sur le réseau Pizza Sprint. Quelques années après, Domino's Pizza a acquis l’enseigne Pizza Sprint. Cette acquisition ne s’est pas faite sans difficulté avec les franchisés Pizza Sprint puisqu’une action a été engagée par certains franchisés. Mais plus encore, le Ministre de l’Économie et des Finances a également engagé une action contre le franchiseur.  

Nullité de la clause d’intuitu personae : l’inquiétude des franchiseurs 

Dans le cadre de la procédure initiée, la Cour d’Appel de Paris, dans son arrêt du 5 janvier 2022, a prononcé la nullité de la clause d’intuitu personae prévue au contrat de franchise Pizza Sprint au titre du déséquilibre significatif notamment en ce qu’elle n’était pas réciproque. Cette position de la Cour d’Appel a pour le moins suscité des inquiétudes chez les franchiseurs. En effet, il est quasi-systématique de trouver une clause d’intuitu personae dans les contrats de franchise envers la personne du franchisé.  

Cette absence de réciprocité de la clause d’intuitu personae s’explique par le fait que le franchisé s’engage dans un réseau afin de bénéficier du concept, du savoir-faire élaboré par le franchiseur, d’adhérer à l’enseigne tandis que le franchiseur choisit un franchisé en raison de ses qualités professionnelles, ses valeurs, sa personnalité, ses facultés à représenter la marque à l’échelle locale. 

Confirmation et précision de la clause de la nullité par la Cour de Cassation

La Cour de Cassation est venue confirmer la nullité de la clause prononcée par la Cour d’Appel. La Haute juridiction a apporté des précisions sur les motifs de cette nullité. Elle confirme l’arrêt de la Cour d’Appel mais précise que la clause d’intuitu personae prévue au contrat est nulle non pas en raison de son caractère non-réciproque, mais en raison de son imprécision, ce qui rend la clause litigieuse déséquilibrée.

La clause imposait au franchisé d’informer le franchiseur de tout projet ayant une incidence sur l’actionnariat, la répartition du capital, l’identité des dirigeants stipulant au bénéfice du franchiseur, la possibilité de résilier de manière anticipée le contrat de franchise.  

En d’autres termes, le juge indique que l’absence de réciprocité ne constitue pas en soi un déséquilibre significatif mais le caractère imprécis des termes de la clause permettant au franchiseur d’écarter un franchisé pour tout changement.

Il ressort qu’une clause d’intuitu personae non-réciproque n’est pas nulle dès lors qu’elle est précise quant aux hypothèses d’application. 

Cet arrêt est rassurant pour les franchiseurs dont le principe de non-réciprocité de l’intuitu personae est préservé. Toutefois, les franchiseurs doivent être vigilants sur la clause d’intuitu prévue à leur contrat, qui doit être revue à la lumière de cet arrêt.  

L’arrêt rendu par la Haute juridiction est aussi intéressant pour les précisions qu’elle apporte : 

  • La Cour de Cassation affirme que l’action du Ministre de l’Economie et des finances pour sanctionner une pratique restrictive de concurrence est de nature civile, la prescription de l’action est régie par l’article 2224 du Code Civil « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ».  

  • La transaction entre le franchiseur et les franchisés ne prive pas le Ministre de son action.  

  • La Cour approuve la condamnation solidaire du franchiseur Pizza Sprint et du repreneur Domino's Pizza à une amende civile au motif que le repreneur n’a pas cessé les pratiques après la reprise. 

 

Cour d’appel de Paris, pôle 5, chambre 4, arrêt du 5 janvier 2022, n° 20/00737 

Cour de cassation, chambre commerciale financière et économique, pourvoi n° 22-10.314 publié au bulletin

 

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