Entente sur les prix : trois organisations professionnelles alsaciennes viennent d’être lourdement sanctionnées par l’Autorité de la concurrence. Emmanuelle Jardin-Lillo, avocate en droit de la concurrence, décrypte cette décision. |
L’Association des Viticulteurs d’Alsace (AVA), le Groupement des producteurs-négociants du vignoble alsacien (GPNVA) et le Comité interprofessionnel des vins d’Alsace (CIVA) viennent d’être lourdement sanctionnés par l’Autorité de la concurrence pour entente sur les prix du raisin et diffusion de barèmes tarifaires sur le vin en vrac (décision n°20-D-12 du 17 septembre 2020).
C’est 5 ans après avoir reçu les premiers indices et pièces de la DGCCRF sur des pratiques de fixation des prix du vin en Alsace que l’Autorité de la concurrence a décidé de se saisir d’office et de condamner les organisations professionnelles des vins d’Alsace pour un montant global de 376 000 euros d’amende.
L’Autorité de la concurrence a relevé que :
1.Entre 2008 et 2017, l’AVA et le GPNVA, ainsi que le CIVA, se sont concertés « afin d’établir des recommandations, à l’issue de chaque récolte, sur les prix de vente du raisin et ce, pour chaque cépage alsacien (dont le Riesling et le Gewurztraminer) ». Ces recommandations ont incité les vignerons à augmenter les prix de leurs matières premières sans tenir compte de leurs propres coûts, ce qui a faussé l’évolution normale des prix du raisin et augmenté en conséquence le prix des bouteilles de vins d’Alsace.
2. Entre 1980 et 2018, le CIVA a élaboré et publié, à destination de ses adhérents et pour chaque récolte de raisin destinée à la production de vins d’Alsace, des prix indicatifs sur le vin en vrac. La publication de prix uniques par cépage, applicables à tous les exploitants viticoles alsaciens quels que soient leurs coûts d’exploitation individuels, chaque année au début de la commercialisation du vin en vrac, s’apparente à une consigne de prix.
Indicateurs de tendance ou entente sur les prix : une frontière à évaluer
Il ressort de cette décision que l’élaboration et la diffusion de barèmes de prix par une organisation interprofessionnelle est incompatible avec le libre jeu de la concurrence.
Pourtant, la publication d’indicateurs fait bien partie des statuts d’une organisation interprofessionnelle et c’est dans ce cadre que cette pratique des organisations professionnelles alsaciennes fonctionnait depuis plus de 37 ans…
Aujourd’hui, les organisations syndicales et professionnelles doivent être prudentes car la frontière est très fine entre des indicateurs de tendance et des barèmes tarifaires.
Dans le même sens, l’Autorité de la concurrence avait déjà sanctionné en 2018 le Syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône (SGVRCR) pour avoir élaboré et diffusé des consignes tarifaires à ses membres.
Découvrez l'accompagnement de nos avocats en droit de la concurrence.