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Droit du patrimoine : démembrement de propriété, les pièges à éviter !

Le 17.06.2024 0 commentaires
Démembrement de propriété

Le démembrement de propriété est une stratégie patrimoniale courante, mais elle peut comporter des risques si elle est mal maîtrisée. Karine Ricou, avocate en droit patrimonial, vous dévoile les erreurs courantes à éviter pour assurer une transmission de patrimoine réussie et sans litiges. Découvrez ses précieux conseils pour naviguer sereinement dans le processus de démembrement de propriété.

 

Le principe du démembrement de propriété

Le démembrement consiste à diviser la pleine propriété d’un bien entre :  

  • L’usufruit, qui est le droit de jouir des choses dont un autre (le nu-propriétaire) a la propriété, mais à la charge d’en conserver la substance. L’usufruit bénéficie ainsi du droit d’utiliser le bien (“usus”) et d’en percevoir les revenus (“fructus”). 

  • La nue-propriété, qui est le droit de disposer du bien (“abusus”). Le nu-propriétaire détient ainsi seul le pouvoir de décider de vendre, de donner ou de modifier la substance du bien. 

Cette technique est régulièrement utilisée afin d’anticiper, d’organiser et d’optimiser la transmission successorale.

Elle permet en effet de transmettre la nue-propriété de biens tout en s’en réservant l’usufruit, savoir la jouissance et les revenus, et ce pendant une durée déterminée, le plus souvent jusqu’au décès de l’usufruitier.

Fiscalement, seule l’opération de transmission de la nue-propriété est génératrice de droits de mutation calculés en fonction d’un barème fiscal lié à l’âge de l’usufruitier.

Plus l’usufruitier est jeune, et moins la transmission coûte. Au décès de l’usufruitier, l’usufruit s’éteint et le nu-propriétaire devient alors plein propriétaire sans s’acquitter de droits supplémentaires.      

L’origine du démembrement mérite cependant une attention toute particulière car dans certaines situations, il risque d’être remis en cause lors de la succession de l’usufruitier. 

Si tel est le cas, la valeur de la pleine propriété du bien objet du démembrement est alors réintégrée dans la succession de l’usufruitier décédé, et les nus-propriétaires sont taxés à due concurrence. 

Sont ainsi à proscrire :  

  • Le démembrement “ab initio” 

  • Les démembrements visés par l’article 751 du code général des impôts, savoir ne résultant pas d’une donation régulière consentie au profit des descendants (et leurs enfants) ou bénéficiaires de dons ou legs, sans que ne soit justifiée l’origine des fonds ayant financé l’acquisition de la nue-propriété. 
     

Le démembrement ab initio 

Cette situation est constatée dans certains statuts constitutifs de société dont le capital est composé d’apports en numéraire. 

Elle consiste à indiquer que l’apport d’une somme d’argent par les associés (les parents) est rémunéré par l’usufruit des parts sociales ou actions souscrites alors que les autres associés (les enfants) sont rémunérés par la nue-propriété de ces mêmes titres. 

Cette situation, malheureusement trop souvent pratiquée, a régulièrement été contestée. 

Ce démembrement n’a aucun fondement juridique puisque l’apport porte sur un bien détenu en pleine propriété, à savoir une somme d’argent. Il ne peut donc en aucun cas être rémunéré par des titres démembrés. 

La société aurait dû être constituée par apports en numéraire par les seuls parents qui auraient dû consentir ensuite une donation de la nue-propriété des parts sociales ou actions reçues en contrepartie à leurs enfants. 

A vouloir éviter le coût d’un acte de donation qui se serait pourtant avéré peu élevé en cas de faible capital, les intéressés se retrouvent finalement face à une “bombe à retardement” dont les enfants supporteront les conséquences lors de la succession de leurs parents. 

Cette opération est de surcroît susceptible de rentrer dans le champ d’application de l’article 751 du code général des impôts. 
 

Les démembrements visés par l’article 751 du code général des impôts 

Cet article vise les opérations de démembrement au profit de présomptifs héritiers de l’usufruitier (enfants et leurs descendants) ou de bénéficiaires de dons ou legs consentis par l’usufruitier ou de personnes interposées auxdits intéressés. 

Ne sont pas concernés :  

  • Les donations régulières de la nue-propriété intervenues plus de trois mois avant le décès de l’usufruitier. 

  • Les donations constatées par contrat de mariage. 

  • Le démembrement à titre gratuit réalisé plus de trois mois avant le décès constaté par acte notarié pour lequel la valeur de la nue-propriété a été déterminée selon le barème fiscal. 

Pour toute opération autre que celles susvisées, l’article 751 du CGI permet à l’administration de considérer que le démembrement est fictif et ainsi de réintégrer à la succession de l’usufruitier la pleine propriété du bien concerné à l’actif de succession. 

Maigre consolation, le nu-propriétaire peut cependant imputer les droits de mutation qu’il a payés lors de l’opération remise en cause sur les droits à verser résultant de cette incorporation. 

A titre d’exemple, sont ainsi visées les opérations de ventes (en ce compris les ventes consenties par un tiers par lesquelles il est constaté que les parents acquièrent l’usufruit et les enfants la nue-propriété), les opérations de démembrements croisés, etc. 

Toutefois, il s’agit d’une présomption simple et le contribuable peut apporter la preuve contraire, qui consiste à justifier de l’origine des fonds qui ont financé l’acquisition de la nue-propriété. 

Cette preuve contraire peut notamment résulter d'une donation des fonds constatée par un acte ayant date certaine (enregistré) en vue de financer, plus de trois mois avant le décès, l'acquisition de tout ou partie de la nue-propriété d'un bien, sous réserve de justifier de l'origine des deniers dans l'acte en constatant l'emploi. 

La problématique concerne donc les opérations pour lesquelles il est impossible de rapporter cette preuve. 

Exemples de situations constatées : 

  • Absence totale d’origine des fonds dans un acte de vente, et preuve contraire difficile à rapporter plusieurs années après l’acte. 

  • Origine des fonds indiquée comme résultant d’un don manuel mais sans mention d’acte, ni d’enregistrement de cette donation. 
     

Démembrement de propriété : les conseils de nos avocats en droit patrimonial

  • Auditer les situations de démembrement déjà existantes par l’étude et l’analyse des actes constitutifs (statuts, actes de vente, etc…). 

  • Faire établir un audit patrimonial global juridique et fiscal afin d’anticiper et sécuriser les conséquences d’une succession. 

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