La Cour de cassation a récemment statué que les salariés en arrêt maladie non professionnel peuvent désormais acquérir des congés payés, alignant ainsi le droit français sur les directives européennes. Nicolas Sanchez, avocat en droit du travail, revient sur ce revirement jurisprudentiel. |
Acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie non professionnel : revirement jurisprudentiel
La Cour de cassation opère un revirement significatif en matière de congés payés par le biais d'un arrêt d'Assemblée plénière. Cet ajustement vise à aligner et mettre en conformité le droit français avec le droit de l'Union européenne, conduisant à une interprétation contra legem des dispositions du Code du travail.
Ce revirement, dont l’objectif est de garantir une meilleure effectivité des droits des salariés, porte sur l’acquisition des congés payés par un salarié faisant l’objet d’un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle.
Les litiges ont débuté par l’action de plusieurs salariés réclamant le paiement de congés payés qu’ils soutenaient avoir acquis pendant la suspension de leur contrat de travail, provoqué par un arrêt de travail d’origine non professionnelle.
La Cour d’appel a fait droit à leurs prétentions en considérant que les salariés étaient en droit de récupérer des jours de congés pendant la suspension de leur contrat de travail.
Insatisfait, l’employeur a formé un pourvoi en cassation. À cet effet, il se fondait sur l’article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui n’offre pas la faculté d’écarter les effets d’une disposition de droit national contraires dans un litige entre particuliers.
Dès lors, les articles L. 3141-3 et L. 3143-5 du Code du travail, privant les salariés d’acquérir des congés payés dans le cadre d’une période de suspension du contrat travail pour maladie d’origine non professionnelle, avaient vocation à s’appliquer selon l’employeur.
Quelle est la décision de la justice concernant l'acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie non professionnel ?
Au contraire, la Cour de cassation déduit de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que la directive 2003/88/CE n’opère pas de distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en raison d’un congé de maladie pendant la période de référence, et ceux qui ont exécuté un travail effectif pendant la même période.
De plus, le droit des travailleurs aux congés payés conféré par cette directive ne peut être subordonné par un État membre à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence de sorte que l’article L. 3141-3 précité, en subordonnant le droit à congé payé à l’exécution d’un travail effectif, ne permet pas une interprétation conforme au droit de l’Union Européenne.
Par conséquent, la Haute juridiction estime qu’il incombe au juge national d’assurer, dans un litige opposant un bénéficiaire du droit aux congés payés à un employeur disposant de la qualité de particulier, la protection juridique découlant de l’article 31 de la Charte en laissant inappliquée, au besoin, la réglementation nationale.
Les dispositions de l’article L. 3141-3 subordonnant l’acquisition de droits aux congés payés à l’exécution d’un travail effectif par un salarié doivent donc être écartées. Le salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d’un arrêt de travail causé par une maladie non professionnelle peut prétendre, au titre de cette période, à ses droits à congés payés en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du Code du travail.
Référence de l’arrêt : Cass. soc. du 13 septembre 2023, n° 22-17.340.
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