Lorsque l'employeur établit le solde de tout compte, il attend du salarié que celui-ci le signe. Toutefois, en l'absence de signature, l'employeur est-il obligé de verser les sommes prévues par celui-ci et quel est l'effet de cette absence de signature sur la prescription ? Dans cet article, Nicolas Sanchez, avocat en droit du travail et Magalie Ladagnous, juriste en droit du travail, vous expliquent en détail les conséquences de cette absence de signature. |
Reçu pour solde de tout compte : rappel des règles applicables
A l’occasion de toute rupture du contrat de travail, l’employeur doit établir un reçu pour solde de tout compte, en deux exemplaires, dont un est remis au salarié (c.trav. art L.1234-20).
Le salarié n’a pas l’obligation de le signer.
Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature par le salarié, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l’employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.
Rappel des règles relatives à la prescription
L’article L 1471-1 du code du travail prévoit que « toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture. »
Cas d’un salarié n’ayant pas signé son solde de tout compte pour cause d’incarcération
Dans un arrêt du 14 novembre 2024, la Cour de cassation s’est penchée sur le cas d’un salarié qui réclamait plusieurs années après son licenciement, la condamnation de son ex-employeur, aux fins de remise des documents de fin de contrat, de paiement des sommes mentionnées sur le solde de tout compte et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Le salarié avait saisi le conseil de prud’hommes en 2017, estimant que la prescription légale de deux années (article L 1471-1 du code du travail) n’avait jamais commencé à courir dans la mesure où il n’avait pas pu signer le reçu pour solde de tout compte, du fait de son incarcération de 2013 à 2017.
La cour d’appel lui donne raison, considérant que le reçu non signé était sans effet libératoire et que la prescription n’avait jamais commencé.
La Cour de cassation censure cette décision rappelant que si un solde de tout compte non signé n’a aucune valeur libératoire pour l’employeur, ni de force probante concernant le paiement des sommes mentionnées, cette absence de signature n’interrompt pas le délai de prescription de l’article L 1471-1 du code du travail, sauf cas de force majeure ou d’un empêchement légal d’agir.
La Cour de cassation considère que le délai de prescription de deux ans, applicable à l’époque des faits, avait commencé à courir en 2013 (fin du contrat) et expiré en 2015 et que l’incarcération du salarié ne constitue pas une cause valable d’interruption ou de suspension de la prescription.
Le salarié agissant en 2017 était donc hors délai.
Conclusion
Cette décision vient clarifier le débat existant sur l’absence de signature du solde de tout compte :
Le défaut de signature n’a pas d’incidence sur la prescription des actions en justice liées à l’exécution du contrat de travail, sauf cas de force majeure ou empêchement légal d’agir.
Pour les détails de l'arrêt : Cour de cassation, 14 novembre 2024 (n°21-22.540).
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