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Cession d’actifs numériques par des particuliers non professionnels : la question de la valorisation des NFT

Le 05.01.2023 0 commentaires
Actifs numériques et NFT

Cet article est la troisième partie d’une série en quatre articles analysant les dangers et idées fausses sur les plus-values des particuliers non professionnels.

La première partie, publiée sur le site de TGS AVOCATS, revient sur le fait que les frais de cession sont en partie réintégrés dans la plus-value de cession d’actifs numériques

La deuxième partie est consacrée au fait que ce régime fiscal peut conduire à déclarer des plus-values en cas de moins-values. Il est conseillé de prendre connaissance de cet article avant de continuer votre lecture. 

La quatrième partie portera sur le fait qu’il est faux d’affirmer que les moins-values sur des opérations d'achat/revente d'actifs numériques ne sont pas reportables d'une année sur l'autre.

Le NFT, un jeton comme les autres ?

Les plus-values ou moins-values réalisées par des particuliers non professionnels à l’occasion de la cession d’actifs numériques ne sont pas calculées de la même façon que pour les cessions d’actions. Elles dépendent en effet de l’article 150 VH bis du Code général des impôts (CGI).

Il est très important de noter que la notion de “portefeuille” est indépendante de la notion de wallet ou de ledger : le portefeuille au sens de l'article 150 VH bis du CGI vise la totalité des actifs numériques (au sens de l’article L54-10-1 du Code monétaire et financier) possédés par un contribuable, même s’ils sont “stockés” sur différentes plateformes. Mais est-ce pour autant que cette définition englobe les NFT ?

Nous serions tenté de répondre par l’affirmative, en effet le I de cet article L54-10-1 du Code monétaire et financier (CMF) semble inclure la grande majorité des NFT, qui doivent donc être comptabilisés dans la valorisation du portefeuille du contribuable en l'absence de précision contraire.

En effet :

    > la fongibilité ou non d’un jeton n’est pas un critère pris en compte dans la loi,

    > le NFT, qui peut grossièrement s’analyser comme un « certificat d’authenticité » du sous-jacent auquel il est lié (le plus souvent une image), correspond à la définition d’un jeton de l’article L552-2 du CMF auquel se réfère le I de cet article L54-10-1 du CMF  : « constitue un jeton tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé permettant d'identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien ».

    > si jamais le NFT ne devait pas représenter un « droit », alors il serait toutefois un actif tant qu’il demeure « la représentation d’une valeur » (critère du II de l’article  L54-10-1 du CMF) ou un droit se rapportant à une telle valeur (critère du I. de l’article 150 VH bis du CGI).

Ainsi, à l’heure actuelle, ni la loi, ni la doctrine administrative, ni la jurisprudence ne permettent d’envisager sans risque que la fiscalité du NFT suive celle de son sous-jacent ou celle des biens meubles et non pas celle du jeton en lui-même (même s’il reste permis d’en douter pour certains jetons ou sous-jacents très spécifiques et en fonction des smart contracts les liant aux jetons). 

Sauf cas exceptionnels, pour les opérations d’achat-revente occasionnelles d’un particulier (1) un NFT doit être considéré comme un actif numérique au sens de l'article L. 54-10-1 du CMF et, (2) il est soumis au régime de l’article 150 VH bis du CGI.

Les NFT et les principes de la fiscalité des actifs numériques pour des particuliers non professionnels

La formule de calcul des plus-values ou moins-values réalisées par des particuliers non professionnels se trouve à l’article 150 VH bis du CGI. Elle peut être résumée comme suit :

Prix de cession - Prix de cession x (valeur d’acquisition du portefeuille / valeur du portefeuille lors de la cession) = Plus ou moins-value taxable

Il est important de garder en tête le fait qu'il faut raisonner par “portefeuille” et non pas par actif, au contraire de l’achat/revente d’actions où l’on va regarder chaque actif séparément pour déterminer les plus ou moins-values à déclarer.

Comme exposé dans l’article 2 de la série, même si l’on revend un actif moins cher que son prix d’achat – et que l’on réalise donc une moins-value sur cet actif – l’application de la formule de calcul du 150 VH bis conduira à déclarer une plus-value si, au moment de la cession, le portefeuille est globalement bénéficiaire : le prix d’acquisition de tous les actifs composant le portefeuille est inférieur à leur valeur au cours du jour de la cession.

En effet, la formule aboutit à un résultat négatif, donc à une moins-value, uniquement si le “Prix de cession x (valeur d’acquisition du portefeuille / valeur du portefeuille lors de la cession)” est supérieur au prix de cession. En conséquence, on aboutira à une moins-value uniquement si la “valeur d’acquisition du portefeuille” est supérieure à la “valeur du portefeuille lors de la cession”.

Il faut donc garder en tête les principes suivants :

Si le portefeuille est globalement bénéficiaire au moment de la cession, c’est à dire que sa valeur d’acquisition est inférieure à sa valeur au jour de la cession (donc qu’il y a une plus-value latente) :

    > toutes les ventes d’actifs pour moins cher que leurs prix d’acquisition aboutiront à constater une moins-value sur cet actif mais à déclarer une plus-value “fantôme” et à être imposée sur cette dernière,

    > toutes les plus-values sur les cessions des actifs les moins performants (c’est à dire moins performant que la moyenne des actifs du portefeuille au moment de la cession) seront surévaluées et sur-imposées,

    > inversement, les plus-values sur les cessions des actifs les plus performants seront sous-évaluées et sous-imposées.

L’inverse est aussi valable :

Si le portefeuille est globalement déficitaire, c’est à dire que sa valeur d’acquisition est supérieure à sa valeur au moment de la cession (donc qu’il y a une moins-value latente) :

    > toutes les cessions d’actifs pour plus cher que leur prix d’acquisition aboutiront à déclarer une moins-value,

    > toutes les moins-values sur les cessions des actifs les moins performants (c’est à dire moins performant que la moyenne des actifs du portefeuille au moment de la cession) seront surévaluées,

    > inversement, les moins-values sur les cessions des actifs les plus performants seront sous-évaluées.

Il est à noter que les “corrections” du prix d’acquisition du portefeuille à l’issue des cessions suivantes viennent moduler ces principes sans pour autant les invalider.

Une piste d’optimisation ? Valoriser ses NFT à chaque cession d’un actif quelconque du portefeuille

Dans l'hypothèse où le portefeuille serait globalement bénéficiaire et compterait des NFT, il serait avisé de comptabiliser ces derniers à leur valeur réelle plutôt qu'à leur valeur d'acquisition si jamais celle-ci est supérieure.

En effet, si le portefeuille est « bénéficiaire », alors le contribuable déclarera des plus-values à l’occasion de chaque cession, y compris s’il vend des actifs dont la valeur s’est écroulée depuis l’achat. Le seul moyen d’atténuer ce phénomène de « plus-value fantôme » est de prendre en compte toutes les moins-value latente pour la valorisation le portefeuille à l’occasion de chaque cession

Une moins-value latente sur un actif (ici le NFT) viendra en effet automatiquement réduire le montant des plus-values à déclarer par ailleurs en application de la formule du 150 VH bis du CGI.

Il convient de noter que l’article 150 VH bis du CGI, de même que les commentaires de l’administration fiscale, ne précisent pas comment évaluer un portefeuille. L’article dispose simplement :

« La valeur globale du portefeuille d'actifs numériques est égale à la somme des valeurs, évaluées au moment de la cession imposable, des différents actifs numériques et droits s'y rapportant détenus par le cédant avant de procéder à la cession. »

En pratique, de nombreux NFT voient leurs valeurs devenir quasi-nulle peu de temps après leurs acquisitions. Il serait donc opportun pour le contribuable de documenter cette perte de valeur, par exemple, en regardant les montants des ventes de NFT de rareté comparable au sein de la même série, pour évaluer la moins-value latente. Ceci réduirait d’autant la valeur de son portefeuille, et donc le montant des plus-value éventuellement déclarées pour la cession d’autres actifs du portefeuille.

Si l’administration est susceptible de remettre en cause le montant retenu, il ne semble pas envisageable qu’elle puisse rejeter le fait, pour le contribuable, de ne pas se baser uniquement sur la valeur d’acquisition de son NFT mais sur sa valeur potentielle de revente au jour de l’évaluation.

Si l’on pousse le raisonnement, il pourrait également être opportun pour certains contribuables ayant été surimposée sur des cessions calculées sur la base d’une valeur de portefeuille incluant des NFT surévalués d’effectuer une réclamation contentieuse pour demander le remboursement de l’impôt trop-payé.

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